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"Y en a un peu plus, j'vous l'mets quand même..."
26 janvier 2021

Une vie...

 

 

Mardi 12 il est à peine 9 heures alors que mon téléphone sonne, un numéro qui m'est inconnu je décroche et reconnais la voix :

"Allo c'est Marcel, j'ai une mauvaise nouvelle Marthe est morte..."

Marcel raccroche je n'ai pas dit ouf, je ne comprends pas tout de suite, c'est trop brutal mais à cet instant la femme que j'aime arrive depuis la salle de bain je lui bredouille comme un con "c'était Marcel, ta mère..." elle le rappelle immédiatement, 3 heures plus tard on est dans la C5 direction Paris.

Marthe c'est la mère de la femme que j'aime, pas tout à fait sa Maman. Marcel c'est le troisième homme de Marthe, un personnage hors sol, une sorte d'ovini humain j'aurai probablement l'occasion de revenir sur son sujet.

Marthe à vécu une belle vie, c'est à dire le type de vie qu'elle souhaitait. Elle est décédée dans son sommeil au petit matin, ne souffrant d'aucune maladie, faisant pleinement fonctionner son cerveau son coeur à lâché, simplement. En mars elle aurait fêté dignement ses 90 printemps.

Pour Noêl et pendant une semaine Marthe et Marcel étaient à la maison ils n'avaient aucune peur du Covid (c'était pour les autres, les vieux) on a bu et mangé trop, comme d'hab' Marthe était la dernière couchée, comme d'hab' elle ne faisait pas la sieste Marthe, comme d'hab'

Marthe faisait très attention à elle, une femme élégante une Parisienne, elle est née rue Bleue elle est décédée rue Bleue dans ce coeur de Paris dont elle ne pouvait pas s'extraire plus de deux ou trois semaines par an. Elle connaissait tout de son quartier et tout son quartier la connaissait, le boucher Portugais qu'elle avait envoyé promener à cause d'une phrase déplacée à son encontre, la coiffeuse Coréenne qui lui lavait les cheveux tous les quinze jours, Philippe le tripier qui a pleuré à l'annonce du décès de sa cliente, Mohir le crêpier Pakistannai, et le marchand des quatres saisons et encore Bruno le peintre, sidérés ils étaient...

Marthe faisait très attention à elle, médecin, bilans biologiques très réguliers, séances de massages d'osthéo, compéments alimentaires etc... le 9, elle était chez le cardiologue "vous avez un coeur de trentenaire..."

A quinze ans ses parents l'ont placée en apprentissage chez Monsieur Eulabert, 25 ans plus tard Monsieur Eulabert à pris sa retraite en Sologne et il a cédé la boite à Marthe en qui il avait une confiance absolue... bingo.

Elle gère jusqu'à sa retraite un bureau de courtage en imprimerie qui fonctionne mais les années 80 sonnent le glas d'une activité disparue aujourd'hui.  Son bureau était à 20 minutes de marche dans l'arrondissement voisin là encore elle fréquentait les artisans, le couple de boulangers du coin de la rue les vendredi soir c'était appéritif dans la brasserie du boulevard tout à côté, les repas au resto avec les représentants de commerce. Une vie de labeur avec de belles tranches de rigolades, des soucis de gestion mais également de la franche camaraderie.

Soixante ans tout juste Marthe cesse son activité, elle n'a pas pu vendre sa boutique mais sa retraite est assurée, elle avait un statut enviable six mois plus tard catastrophe, son mari meurt brutalement d'une saloperie de maladie le choc est rude. Marthe est le type même de personne ne pouvant pas se résigner à vivre seule, vital est son besoin de sentir systématiquement quelqu'un à ses côtés, quelqu'un pour elle, exclusivement. Elle le dit, elle le vit.

Assez rapidement elle rencontre un Mec, quelqu'un de bien et quelqu'un à l'attitude, à la façon de vivre à l'opposé de Marthe. Le mec est un rural, un travailleur manuel un couillu, le genre de type à manger une soupe à 6 heures et demie du matin, le mec vit dans une petite maison perdue dans un bois avec le confort certes, mais très loin du 9 ème arrondissement... six mois plus tard, le mec prend son petit déjeuner à 9 heures du mat' thé léger avec 2 biscottes légèrement beurrées, confitures... nous on se frotte les yeux, on hallucine !!

Et ça le fait grave, cinéma théâtre voyages autour du monde, les tourteraux, tourterellent bien comme il le faut.

Quatre ans, pendant quatre années ça a été le pied intégral et le Mec décède, cancer foudroyant.

Le choc est très rude, Marthe ne peut vivre seule. C'est un peu plus long mais elle se dégote Marcel, Marcel est l'opposé absolu du Mec (du Mec tout court et du Mec précédent de Marthe) Marcel est beaucoup plus jeune que Marthe, c'est un célibataire il court les bals du troisième âge, bingo.

Douze ans que Marthe et Marcel étaient ensemble, le choc est rude.

 

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Commentaires
M
Marthe a eu une vie bien remplie. <br /> <br /> Perdre « une mère, pas tout à fait une maman » reste difficile. Courage à votre dame et à Marcel.
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B
Tu veux dire "Inch'Allah"... on peut.<br /> <br /> <br /> <br /> Bleck
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A
Un beau portrait ! Elle a bien vécu, Marthe est morte, vive Marthe !
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V
J'ai une mère aussi tonique, qui a fêté en plein covid, le 14 juillet, ses quatre vingt dix ans. Elle a la chance d'être encore avec mon père qu'elle aime depuis les années cinquante, et qui a un an de plus. C'est un bel hommage que tu as écrit.
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C
Elle me rappelle ma grand-mère paternelle, Marthe. Le même plein de vie, la même impossibilité à vivre seule. Morte en 1985, elle me manque encore, ses fous-rires surtout et son "brin" d'amoralité !
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"Y en a un peu plus, j'vous l'mets quand même..."
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